 Pourquoi as-tu rejoint les rangs de La Concordia ? J'ai rejoint les rangs de La Concordia par envie d'aborder un répertoire plus exigeant et plus intéressant, tout en continuant à jouer dans ma fanfare de village, car j'y avais de fortes attaches amicales et sentimentales et le niveau y était plutôt bon. J'ai commencé la musique en étant plus ou moins formé (voire déformé) par le directeur de l'époque (en 1976) qui n'avait appris la clarinette que par les méthodes et qui ne nous apprenait même pas à souffler correctement dans notre instrument. Heureusement vers 17 ans j'ai saisi l'opportunité de suivre les cours auprès du Conservatoire décentralisé et de fil en aiguille j'ai été jusqu'au certificat amateur. Pourquoi as-tu choisi la clarinette ? J'ai choisi la clarinette parce que j'aimais voir cet instrument noir qui sortait de la masse des cuivres (visuellement seulement...) quand j'écoutais la fanfare du village. Mon intuition me disait que cet instrument était fait pour moi, bien qu'idéalement j'aurais voulu jouer du violon, mais à l'époque on n'envoyait que très rarement les enfants des villages apprendre cet instrument au Conservatoire de Fribourg. Mais je n'ai pas de regret, car grâce à mon instrument, j'ai côtoyé de nombreuses formations, musiciens et chefs et j'ai toujours beaucoup de plaisir à le pratiquer. Comment as-tu vécu tes premières répétitions à La Concordia ? Quand j'ai commencé à La Concordia, malgré un bon niveau technique, j'avais d'abord un peu de peine : je n'étais pas très bon en lecture à vue et je devais acquérir de l'expérience pour être plus à l'aise et sûr de moi. A l'époque, c'était Eric Conus qui dirigeait et il m'avait fait venir à La Concordia car il cherchait des clarinettes et autres bois afin de transformer notre ensemble en harmonie, voyant bien qu'il n'y avait pas vraiment d'avenir pour les fanfares mixtes, en tout cas en excellence. J'étais rapidement à l'aise avec lui car il avait un contact chaleureux avec les musiciens malgré son côté "ours" voire "ogre" qui effrayait un peu les jeunes demoiselles craintives. Et je le connaissais déjà assez bien, car on avait fait connaissance au sein de la fanfare militaire. Ce qui n'était par contre pas toujours évident, c'était que les clarinettes étaient l'objet de plaisanteries un peu lourdes de certains musiciens rétrogrades qui nous traitaient de "chubiets" ou autres "cutchs" (je ne sais pas trop comment écrire ces mots d'argot…) ou sifflets de fanfare. Heureusement, l'année d'après, un certain Giancarlo est arrivé et les grands moures n'osaient plus trop la ramener... Une oeuvre musicale que tu adores écouter ? Il y en a plein. Le dimanche matin j'écoute volontiers de la musique baroque avec mon épouse en "brunchant", mais sinon j'adore notamment des musiques assez minimalistes (en architecture aussi d'ailleurs...) comme les Gnossiennes ou les Gymnopédies d'Erik Satie ou les sonorités des oeuvres d'Igor Stravinsky ou Maurice Ravel, ou encore Shostakovich. Une anecdote ? J'en aurais des tas, je n'en raconterai que deux. Comme certains le savent déjà, je suis de nature distraite et un peu gaffeur... Lors d'un concert au Podium de Guin, un directeur assistant, en l'occurrence Philippe Savoy, m'avait demandé, comme il dirigeait en 2ème partie et que je jouais au bord au 1er rang, de lui prendre la partition de l'oeuvre qu'il dirigeait et de la mettre sur le pupitre de direction. Bien évidemment j'avais complètement oublié et il eut la désagréable surprise de constater en arrivant devant nous qu'elle manquait. Je vous laisse imaginer mon malaise et le sien. Je peux vous dire que j'ai couru jusqu'aux vestiaires au sous-sol un peu paniqué pour la lui ramener au plus vite devant un public et des musiciens hilares mais soulagés. Une autre panique a eu lieu lors de la Fête Fédérale au KKL de Lucerne. Au dernier moment avant de me diriger vers la salle pour le concours imposé, j'ai eu besoin d'aller aux toilettes. En en ressortant, il n'y avait plus un Concordien dans les parages et le chemin était encore très long dans cet énorme bâtiment pour arriver jusqu'à la salle de concert. J'étais complètement paniqué, je demandais comme un fou aux divers responsables par où passer, il fallait en partie passer par des passerelles entre les toits, des couloirs à n'en plus finir et les minutes passaient. Finalement, à mon grand soulagement et celui de Jean‑Claude notamment, j'ai pu rejoindre la salle que quelques minutes avant le début de notre concours, mais vraiment essoufflé et pas au top pour commencer à jouer… Mais après, pour la pièce de choix dans la grande salle blanche du KKL bondé, cela n'a été que du bonheur, malgré un brin d'appréhension car je devais jouer un passage solistique important, mais tout s'est bien passé. Entendre les notes de ma clarinette s'envoler dans cette salle mythique devant tout ce monde et à cette occasion particulière de Fête fédérale de Musique a été un des moments les plus forts de ma carrière de musicien amateur. Un voyage avec La Concordia qui t'a marqué ? Un voyage qui m'a marqué, et il n'y en n'a pas eu beaucoup avec La Concordia, est notamment celui que l'on a fait au Mexique en 1996. On avait eu l'occasion de donner un concert très émouvant durant lequel Jean‑Claude a pleuré à la fin de notre interprétation du Premier Jour de Jean Balissat. On était tous au bord des larmes et le public était très chaleureux. Vivre ensemble durant une bonne semaine nous lie encore plus fortement et on arrive à jouer vraiment en symbiose avec une grande intensité émotionnelle. Plus près de nous, Kerkrade et le voyage en Russie resteront également gravés profondément dans ma mémoire... D'autres hobbys ? J'aime beaucoup les visites d'architectures et de musées d'art, me balader, faire du vélo ou du ski de fond en compagnie de mon épouse, encore plus en cette période de Covid. Et l'hiver le ski alpin avec les copains. Ou alors "bouquiner", écouter de la musique, regarder un bon film, mais aussi bien sûr partager un bon repas en bonne compagnie et avec un bon vin. Un livre préféré ? Je n'ai pas vraiment de livre préféré mais j'ai dans ma jeunesse été marqué par des livres de Michel Tournier comme Vendredi ou les Limbes du Pacifique, une version revisitée de Robinson Crusoé ou encore Gaspar, Melchior et Balthazar, une version revisitée des fameux rois mages. L'année passée et durant les fêtes de fin d'année, j'ai profité du semi-confinement pour revisiter les "classiques" avec beaucoup de plaisir comme La Terre d'Emile Zola ou Le Comte de Monte Cristo d'Alexandre Dumas. J'aime également dans un autre registre les livres de Jim Harrison comme par exemple Une odyssée américaine. Un film préféré ? Pour les films, il y en a aussi des masses, mais de manière générale ceux qui me font passer du rire aux larmes comme Le Cirque de Chaplin ou Cinéma Paradiso. Et dans les grands "classiques" que je ne me lasse pas de revoir, il y a La Grande Vadrouille ou Le Bon, la Brute et le Truand. Un dernier mot ? Un tout grand merci de m'avoir permis de faire part de mon expérience au sein de La Concordia et de mes coups de coeur. Interview : Lauriane Macherel |